Systèmes de communications basés sur le MIMO distribué et le « Cell-Free » Massive MIMO
Valérian Mannoni, directeur de recherche au CNRS Laboratoire des Signaux et Systèmes CentraleSupélec, Université Paris-Saclay Porteur du PC PERSEUS du PEPR Valerian.MANNONI@cea.fr |
Les réseaux de communication sans fil connaissent une transformation rapide avec l’avènement de la 5G et les travaux de recherche sur la 6G. Face à la demande croissante en capacité, couverture et fiabilité, des avancées majeures ont été réalisées dans les architectures multi-antennes dites MIMO (Multiple-Input Multiple-Output). Cette technologie exploite simultanément les dimensions spatiales, temporelles et fréquentielles du signal, améliorant ainsi l’efficacité spectrale, la robustesse des transmissions et la qualité de service pour les utilisateurs. Parmi ces avancées, le MIMO distribué se distingue en répartissant géographiquement les antennes pour améliorer la couverture et réduire les interférences. Plus récemment, la notion de Cell-Free Massive MIMO a émergé, supprimant la structure cellulaire traditionnelle au profit d’une coopération globale entre toutes les antennes, visant à desservir uniformément tous les utilisateurs d’une zone donnée, indépendamment de leur position.
Le MIMO Distribué : définition et principes fondamentaux. Le Multiple-Input Multiple-Output distribué (D-MIMO) repose sur l’utilisation d’antennes spatialement dispersées collaborant pour la transmission et la réception des signaux. Contrairement au MIMO centralisé, où toutes les antennes sont regroupées sur un site unique, le D-MIMO répartit les antennes sur une large zone, connectées à une unité centrale de traitement (CU – Central Unit). Cette macro diversité spatiale améliore la couverture radio en réduisant les zones blanches, optimise la gestion des interférences intra-cellules et accroît la capacité spectrale grâce à un multiplexage spatial plus efficace. De plus, cette approche améliore la robustesse des communications face aux phénomènes d’évanouissement. Sa flexibilité permet de l’adapter aussi bien à des réseaux de petites cellules qu’à des déploiements à grande échelle, s’étendant des environnements industriels aux conditions de propagation difficiles qu’aux réseaux cellulaires urbains denses.
Cell-Free Massive MIMO : Vers l’élimination des cellules. Le Cell-Free Massive MIMO étend le concept de MIMO distribué en éliminant la notion même de cellule. Un grand nombre de points d’accès (AP) est réparti dans la zone de couverture, chacun équipé de quelques antennes et connecté à une unité centrale de traitement (CU) via des liens fronthaul à haute capacité (fibres optiques, coaxiaux, liaisons sans fil). Le Cell-Free est donc une évolution directe du D-MIMO, visant à renforcer la coopération et l’équité du service. L’approche Cell-Free Massive MIMO (CF-mMIMO) permet une couverture homogène avec un service équitable même en périphérie, élimine le besoin de handover et réduit drastiquement les interférences grâce à la gestion conjointe des ressources radio. La redondance des antennes améliore également la fiabilité du réseau et la capacité à gérer un grand nombre d’utilisateurs simultanément. Cependant, ces gains nécessitent des algorithmes sophistiqués pour gérer la coordination et la suppression des interférences, ainsi qu’une synchronisation (temps, fréquence et phase) rigoureuse entre les points d’accès. Une différenciation clé par rapport au D-MIMO réside dans l’absence totale de gestion cellulaire et l’utilisation d’une synchronisation centralisée complète.
Applications pratiques et cas d’usage. Les technologies D-MIMO et CF-mMIMO ont un fort potentiel dans plusieurs domaines :
- Réseaux 5G+ et 6G : amélioration significative de la capacité et de la couverture, notamment dans les environnements urbains denses. Il est à noter qu’un déploiement de type CF-mMIMO à l’échelle d’un territoire entier n’est pas envisagé.
- Usines du futur et internet des objets (IoT) : propagation optimisée du signal dans des environnements complexes avec des obstacles métalliques, facilitant ainsi des communications robustes à faible latence et haute fiabilité pour le contrôle en temps réel des processus industriels et la gestion massive de capteurs.
- Véhicules autonomes : optimisation des communications V2X (Vehicle-to-Everything) pour une meilleure coordination et sécurité des véhicules connectés.
- Événements avec une forte densité d’utilisateurs : optimisation du très haut débit pour garantir une connexion stable et performante lors de concerts, événements sportifs ou conférences de grande envergure.
Défis techniques et limitations. Malgré le potentiel des systèmes MIMO distribué et Cell-Free, plusieurs défis techniques demeurent et certains d’entre eux sont traités dans le projet PEPR NF-PERSEUS. Ces défis visent notamment la coordination entre antennes qui nécessite des algorithmes avancés de précodage et d’annulation d’interférences, ainsi qu’une synchronisation temporelle, fréquentielle et de phase rigoureuse pour éviter la dégradation des performances. La gestion de l’estimation du canal est cruciale, car une estimation imprécise peut entraîner des interférences inter-utilisateurs. De plus, la consommation énergétique due au grand nombre d’antennes actives exige des stratégies d’optimisation avancées, comme l’extinction dynamique de certaines antennes en période de faible charge. L’infrastructure de backhaul doit également être dimensionnée de manière adéquate pour supporter des flux de données massifs, ce qui implique des liens à haute capacité et faible latence.
Des approches prometteuses émergent, notamment l’utilisation des surfaces intelligentes reconfigurables (RIS). Ces surfaces passives permettent de modifier dynamiquement la propagation des ondes radio, réduisant ainsi les besoins énergétiques et améliorant la qualité du lien sans nécessiter d’antennes actives supplémentaires. Les RIS pourraient compléter les architectures D-MIMO et CF-mMIMO en facilitant la gestion des interférences et l’amélioration de la couverture. Cependant, leur intégration avec ces systèmes nécessite encore des travaux de recherche approfondis pour garantir des gains de performance durables et rentables.
Conclusion. Le MIMO distribué et le Cell-Free Massive MIMO représentent des avancées significatives dans l’évolution des réseaux sans fil, offrant des solutions prometteuses pour répondre aux besoins croissants en capacité, couverture et fiabilité spécifiquement pour des scénarios à forte densité. Si les défis techniques restent conséquents, des projets de recherche tels que PEPR NF-PERSEUS ainsi que l’intégration de technologies comme les RIS laissent entrevoir un avenir où ces architectures joueront un rôle central dans les réseaux 6G et au-delà.

Références [1] Xiaohu You, Dongming Wang, Jiangzhou Wang, « Distributed MIMO and Cell-Free Mobile Communication, » Springer, 2020. [2] J. Zhang, S. Chen, Y. Lin, J. Zheng, B. Ai and L. Hanzo, « Cell-Free Massive MIMO: A New Next-Generation Paradigm, » in IEEE Access, vol. 7, pp. 99878-99888, 2019. [3] Obakhena, H.I., Imoize, A.L., Anyasi, F.I. et al., « Application of cell-free massive MIMO in 5G and beyond 5G wireless networks: a survey, » J. Eng. Appl. Sci. 68, 13 (2021). [4] Kassam, J.; Castanheira, D.; Silva, A.; Dinis, R.; Gameiro, A., « A Review on Cell-Free Massive MIMO Systems, » Electronics 2023, 12, 1001 [5] Huo, Y., Lin, X., Di, B., Zhang, H., Hernando, F. J. L., Tan, A. S., Mumtaz, S., Demir, Ö. T., & Chen-Hu, K., « Technology Trends for Massive MIMO towards 6G. Sensors, » 2023 Basel (Switzerland), 23(13), 6062. [6] E. Bjornson, L. Van der Perre, S. Buzzi and E. G. Larsson, « Massive MIMO in Sub-6 GHz and mmWave: Physical, Practical, and Use-Case Differences, » in IEEE Wireless Communications, vol. 26, no. 2, pp. 100-108, April 2019. [7] Charbel Abdel Nour, Cédric Adjih, Karine Amis, Xavier Begaud, Matthieu Crussière, et al., « Deliverable D1 – Technical Report NF-PERSEUS 2023, » CEA – Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. 2024, pp.1-86. ⟨cea-04564147⟩ |
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